Cartographies et réalité perçue.

La cartographie, tournevis intellectuel.

La cartographie d’informations consiste à représenter graphiquement des objets et des liens.  Cela peut être, par exemple, des personnes et leurs relations, il s’agit alors d’un sociogramme.  Ou bien la carte peut afficher des entités et leurs flux financiers.  Ou encore, il peut s’agir d’une carte géographique qui localise des objets et les données qu’ils échangent via Internet.  Ou des brevets, d’autant plus proches sur une carte qu’ils partagent de nombreux mots communs…  La liste est longue, non exhaustive.  Cette liste permet un constat : la cartographie intervient dans de très nombreuses applications, différentes.  Un peu comme un tournevis, outil polyvalent qui permet de visser certes, mais aussi d’ôter une écaille de peinture ou de bloquer une porte en position ouverte…

Alter carto.

Dans tous les cas, il s’agit d’une représentation altérée, ou plutôt alternative de la réalité que nous percevons.  En effet, lors d’une discussion, les thèmes à propos desquels les personnes aiment parler n’apparaissent pas, en filigrane, au-dessus de leur tête (même si ce sera bientôt peut-être le cas avec les Google Glass via leur technologie de réalité augmentée).  Pourtant, c’est ce qui apparaît quand la cartographie montre, par exemple, des laboratoires de recherche et de leurs domaines de recherche.  Tous les domaines de recherche liés à un laboratoire apparaissent, l’épaisseur des liens qui les relient à un autre laboratoire de recherche illustre le fait que ces laboratoires partagent de nombreuses informations…  La carte montre simultanément la vue d’ensemble et le détail, la vision panoramique et les interactions locales.  La carte est donc plus riche que la réalité, elle serait moins filtrée ?

Éblouissant diamant.

Sans doute la carte est complexe et riche, cependant elle ne montre que certaines facettes des données qu’elle représente, sinon sa lecture devient impossible.  Prenons l’exemple de relations entre des personnes et des sociétés, dont on connaîtrait le nombre d’interactions, la nature de ces interactions, la date à laquelle chaque interaction a lieu… : l’ensemble de toutes ces données constitue une mine, un diamant dont on ne peut (se) représenter que quelques facettes à la fois.

Les données ont N dimensions, mais la représentation cartographique qu’on peut appréhender et comprendre n’est qu’une projection de quelques facettes.  Cela implique donc qu’il y a filtrage, choix et donc mise en œuvre délibérée d’un storytelling simplifé.  Le cartographe sélectionne certaines données seulement, de manière à faire apparaître une vision du corpus compréhensible, assimilable.  Et le public du cartographe, initialement déboussolé, parvient à se forger des repères et à naviguer, grâce à une représentation suffisamment simple.  Mais guidée de façon sous-jacente par les choix du cartographe.

C’est beau une ville la nuit.

Une ville, la nuit : les bâtiments ne changent pas de place, ni les rues ou les arbres.  En revanche, la visibilité des enseignes lumineuses des restaurants et boutiques est amplifiée, les déplacements des véhicules apparaissent de façon lumineuse grâce à leurs phares, tandis que les jardins publics tendent à disparaître, sombres et silencieux.  Entre le jour et la nuit, il s’agit de la même ville, mais vue différemment.  Et si le cartographe montrait la réalité sous un autre jour, tout simplement ?

Application.

Pour les réseaux sociaux d’entreprise, la même logique s’applique : ce sont les personnes physiques de l’entreprise qui s’expriment, mais une loupe déformante grossit la visibilité de certaines tandis que les autres sont effacées.  Deux représentations officielles se mettent à coexister : l’organigramme officiel, hiérarchique d’une part et d’autre part la carte des intervenants et de leurs relations, établie à partir de leurs échanges, dûment enregistrés.